JONATHAN RICHMAN Café de la Danse |
Des couvertures du disque des Modern Lovers,
on se rappelait un adolescent joufflu, à l’air mutin, faussement
timide. Une écoute attentive confirmait une chose : Jonathan
Richman est beaucoup plus que ce qu’il a l’air au premier
abord. La façon de chanter, joliment distanciée (on a franchement
l’impression qu’il se fout de la gueule du monde sans avoir l’air
d’y toucher), les paroles (vraiment marrantes) et le jeu de guitare,
pas maladroit, affirmaient tout le talent du jeune homme. Prenant ses distances
avec son groupe, avec ce rock acide descendant direct du Velvet et
des Doors (influences qu’il jugeait d’ailleurs trop envahissantes,
chose qui motiva son action), il se forgea depuis lors, certes dans une certaine
clandestinité, un répertoire très personnel et de qualité.
Il est un troubadour des temps modernes, capable, avec sa guitare, de faire
rire et pleurer les foules.
Et c’est ce qu’il a de nouveau prouvé en ce vendredi ensoleillé.
Le temps d’une chanson pour se chauffer, le voilà lancé
et d’un Pablo Picasso qui ravit les fans de
la première heure, la vie semble gagner la salle comme les yeux du
petit bonhomme. Du garçon joufflu reste un homme sec aux yeux brillant,
une larme semble couler perpétuellement de son œil. Jonathan Richman
est un clown triste, un Pierrot de jour qui chante son bonheur à parcourir
les rues tortueuses et silencieuses (sic) de Paris, en silence lui aussi «
parce que le soleil brille », nous dit-il. De son jeu de guitare caractéristique,
il donne à ses chansons comme à ses improvisations une apparence
de facilité déconcertante. Le voilà qui jette sa guitare,
danse, chante a cappella, en français, anglais, italien, espagnol,
arabe (?!) des satires de vie de couple, la salle se contorsionne de rire.
Quelques minutes passent, voilà le public se recueillant à l’écoute
d’une ballade, pour applaudir et reprendre d’une seule voix un
Lesbian Bar réjouissant. Toujours il arbore
un masque de sérieux, même lorsqu’il chante les paroles
les plus outrageusement ridicules, pince-sans-rire, excepté quand il
chante en espagnol, langue joyeuse qu’il ne peut s’empêcher
de chanter d’un visage rieur.
Jonathan Richman est un grand performer, à sa façon unique,
et sa musique a ce quelque chose d’immédiat qui fait que même
ceux qui ne connaissent son répertoire ni d’Eve ni d’Adam
s’y retrouvent instantanément en terrain familier. Un artiste
confidentiel mais à stature universelle, qu’il faut absolument
ne pas laisser passer s’il passe à portée de voix.
Jim Bee |