FESTIVAL POLYROCK LANDERNEAU (29) - 19 & 20/09/2003 |
Un petit séjour en Armorique? L’occasion idéale
pour découvrir un petit festival sympathique dans une ville qui ne
l’est pas moins. Les Poly’Rock 11ème édition, c’est
un mélange de différents styles : rock, reggae, métal,
ska, rocksteady, electro, dub, il y en a pour tous les goûts. Et 12
groupes passant l’oral sur 2 jours, c’est un sacré marathon.
Alors, attention, prêt, c’est parti.
Premier round :
L’ouverture de ce premier jour de festivités
s’est placé sous le signe d’une île des Antilles
bien connue : la Jamaïque. Deux représentants du mythique label
Studio One (celui entre autre de Lee Perry) se sont succédés
: Dennis Al Capone et Alton Ellis (un de
ses plus illustres représentants). Les deux compères ont joué
chacun de suite avec le même groupe, qui ceci dit en passant, a du passer
plus de temps autour de la ganja qu’en répétition, vu
le nombre assez important de ratés dans leurs enchaînements musicaux.
Mais stoppons là les dénigrements : la prestation de Dennis
Al Capone a été plus qu’intéressante et celle d’Alton
Ellis tout à fait honorable, bien que manquant à un poil d’énergie
(vu son âge avancé, on ne peut décemment pas lui en vouloir).
L’ensemble, d’une durée d’à peu près
deux heures, a été une entrée en matière intéressante,
achevée par des applaudissements de circonstance.
C’est donc au groupe Aqme qu’est revenu la tâche
de chauffer la salle (ou devrais-je dire l’entrepôt). Hélas,
peine perdue. La seule chose à retenir de ce groupe tout de noir vêtu,
c’est le charme troublant du regard pétillant de la bassiste.
Le reste, c’est typique du sois-disant nouveau métal : des gros
riffs biens lourds qui vous reste sur l’estomac, un batteur matraquant
son instrument tel un CRS devant un sans-papier, et un chanteur ânonnant
ses textes d’une faible voix tantôt fluette, tantôt imitant
à la perfection les gargouillis d’un fond de raclement de gorge.
Aqme a ainsi quitté la scène dans l’indifférence
quasi-générale pour céder la place à un groupe
au combien plus intéressant : Freedom For King Kong.
FFKK, c’est le métissage du hard-rock et du
rap dans un condensé d’énergie brute transpirant à
travers la voix sinueuse d’un chanteur qui, pour une fois, à
l’air de comprendre ce qu’il dit. Et le public, qui avait déserté
Aqme, est revenu en masse. Niveau musique, c’est jonglage de riffs tranchants
comme des lames de rasoir, et un mélange de battements et samples très
rock, soulignant efficacement des textes coups de gueule. Niveau mise en scène,
c’est sobre, direct et efficace, avec quelques jeux de lumière,
quelques danses orientées hip-hop, quelques discours pro-intermittents
et anti-Star Acacadémie, et en fond de scène, un mannequin portant
costard cravate, attaché case en cuir et masque facial façon
Leatherface. Fin de concert, après rappels soutenus et acclamations
explosives, grosse surprise : le mannequin se met à bouger, salue le
public et se barre. Bluffés ! Mais bon, les surprises ne sont pas toujours
bonnes, et après sans nul doute le meilleur concert de la soirée,
que voyons nous pas débarquer ?
Un DJ de facture classique accompagné de trois zigotos de 20/30 piges,
gueules de péquenauds et vêtements djeunes (survets, maillots
de basket et casquettes de travers). Ainsi les Svinkels sont
entrés en scène, dans leur espèce de hip-hop indigeste.
Leurs éructations vocales, leur gestuelle ridicule, leur look grotesque
et leurs tronches nous ont laissé penser que tout ceci était
peut-être une farce. Cependant les blagues les plus courtes sont les
meilleures et nos oreilles sensibles ont été saturées
par les beuglements bovins de ces trois hurluberlus. Au bout de 20 minutes,
une seule solution : la retraite vers le bar le plus éloigné.
Quelques bières plus tard, les zigomars de Beauferie-Saint-Denis ont
enfin daigné la boucler. Il était alors à peu près
2h du matin.
La soirée pouvait enfin être clôturée par le groupe
High Tone. Mais là, difficile de décrire leur
performance, tant leur dub fleurant bon un Tibet libre aux reflets de Jamaïque
est planant, véritablement hypnotique. Et la fatigue aidant, on a l’impression,
à 3h15, de sortir d’un long et agréable rêve, pour
se lover peu après dans les doux bras de Morphée. Un peu de
repos est nécessaire pour attaquer la suite.
Second round :
Landerneau est vraiment une jolie ville, avec un charmant
pont habité orné de quelques pubs et bars bien agréables.
Peut-être un peu trop, car c’est en retard que nous sommes arrivés
pour le second et dernier round des Poly’Rock. Nous avons donc raté
Skamembert, le groupe du coin, pratiquant paraît-il
un ska plutôt sympa. Malheureusement, nous avons également raté
une partie du set de No Jazz.
Et là, c’est vraiment dommage, tant les seules 20 minutes où
je les ai entendus ont suffit à me convaincre. En dépit d’un
nom assez provocateur, leur musique est tout à fait dans l’esprit
du jazz, notamment par l’utilisation de cuivres et d’un section
rythmique très efficace, avec la petite touche électro-jungle,
tutoyant parfois le trip-hop, et surtout une ambiance déstructurée
de par l’utilisation de claviers chaotiques pulsants des boucles remixées
à la sauce Suicide). Ce mélange détonnant apporte sans
nulle doute la touche d’originalité et de fantaisie à
une scène actuelle qui en a cruellement besoin.
La suite n’allait pas baisser en qualité avec l’entrée
en scène des spectaculaires Caméléons.
Misant sur un ska-rock simple et dynamique, dans la lignée d’un
Ska-P ou d’un Ruda Salska, et forts d’une expérience d’une
dizaine d’années de tournées, les membres du groupes nous
ont concocté un cocktail d’énergie et de bonne humeur.
Et le public de se bousculer gaiement, pogotant furieusement, évitant
le pied d’un slammeur imprudent par ici, slalomant entre de larges flaques
de vomi par là. Le rappel a quant à lui été à
la hauteur de la performance, et les Caméléons profitant de
la tribune offerte, ont apporté leur soutien aux intermittents du spectacle
non pas en bramant un énième discours, mais en dédiant
une de leurs chansons à quelques ministres bien (ou mal ?) sentis :
Je suis un con. Puis ils ont conclu leur set sur
un A poil endiablé, le chanteur appliquant
à la lettre cette joyeuse diatribe (tout en gardant son slip, la performance
à des limites que la bienséance ne saurait franchir).
Les Caméléons ont cédé une place fumante à
LA tête d’affiche du festival, les enfants du pays de retour au
bercail : Mass Hysteria. Mass Hysteria, c’est du métal,
c’est du bruit, ça cogne, c’est pour les furieux et les
furieuses comme le répète sans cesse leur chanteur. Une claque
directe sur les tympans, douloureuse mais pas désagréable, pas
transcendant mais défoulant. Les festivaliers venus essentiellement
pour les voir et les entendre étaient littéralement aux anges.
Mais si on n'est pas un fan, on peut trouver l’ensemble trop carré,
trop professionnel. C’est bon, mais pas excellent, et l’impression
reste qu’il manque un petit quelque chose, l’esprit sans la sensation
comme l’a chanté Ian Curtis il y a plus de 20 ans. Mais ne boudons
pas notre plaisir.
C’est donc face à un public déchaîné lors
des deux derniers concerts, mais désormais fatigué, que s’est
produit Percubaba. D’entrée, on sent que la
mayonnaise ne monte pas. Pourtant le mélange reggae-ska proposé
par ce groupe n’est pas mauvais, et les trois chanteurs font ce qu’ils
peuvent, mais les quelques étincelles d’énergie restantes
sont trop peu nombreuses. Et ce set, dont la qualité est allé
crescendo (sans jamais atteindre des hauteurs vertigineuses), s’est
achevé par un non-rappel d’un public amorphe commençant
à plier bagage.
Et les quelques-uns restés courageusement sur place, combattant harassement
et lassitude, ont pu assister à ce qui a été sans nul
doute la meilleure prestation de ce festival. Digne conclusion d’un
week-end à haute teneur en décibels, Lab°
a fourni à nous ouïes enchantées un electro-dub puissant
à l’efficacité extrême. Tout y était, tant
sur le plan sonore que visuel. La mise en scène, pas forcément
innovatrice, mariait jeu de lumière et projection sur trois écrans
de courts métrages parfaitement illustré par une musique semblant
allier samples à la Massive Attack et attaques de guitare façon
Grandaddy. Un véritable trip, avec une ambiance rappelant les premiers
concerts du Velvet Underground, le genre qui vous prend à la gorge
et ne vous lâche plus, jusqu’à la dernière note.
Deux guitaristes, un batteur, un mec-qui-tape-sur-un-truc-en-bois, une fille-qui-bidouille-un-espèce-d’engin-avec-plein-d’électronique-dedans
: une véritable alchimie purement sonore qui vous atteint l’âme
de plein fouet. Il est 3h, c’est déjà fini, pas de rappel
(de toute façon, on n'était pas assez nombreux), mais un départ
serein sur une forte impression avec une petite voix qui te susurre à
l’oreille : « Putain, c’était bon !!! ».
ZeRipper |