Rock en Seine 2005

FESTIVAL ROCK EN SEINE

Parc de Saint-Cloud (92) - 25 & 26/08/2006

Vendredi 25 août, 15h00 :

En ce vendredi après-midi, premier et avant-dernier jour des festivités, le beau temps était au rendez-vous d’un programme riche et varié, en bref une journée de turbin comme on les aime.

Et c’est sous les riffs diabolique des australiens Wolmother que les hostilités ont débuté. Leur hard-rock seventies hyper-influencé par Led Zeppelin et Black Sabbath (on s’y croirait !) est un prétexte à un set redoutable mené à un train d’enfer par un chanteur-guitariste à la voix aiguë à souhait et aux envolées électriques ravageuses. Aussi bons que sur album, ils forment une excellente entrée en matière (comme souvent le sont les premiers groupes programmés dans ce festival).

Après une telle débauche de fièvre électrisante, rien de tel qu’un peu de calme pour reprendre ses esprit, le calme du rock matiné de mariachi délivré par le toujours impeccable groupe Calexico. Fermez les yeux, on a l’impression de se laisser porter par les remous du Rio Grande, dans un savant mélange d’électrique, de folk et de cuivre. Sans parler de la section rythmique, avec peut être le batteur le plus classe du festival, frappant ses instruments avec une élégance semi-détachée. Morceaux anciens (plus connus) et récents se sont succédés, avec une petite reprise du « All against or » de Love, dédié à la mémoire du regretté Arthur Lee.

Allez, on reprend son souffle, on en profite pour visiter les quelques stands à proximité (notamment l’exposition photo de Mondino, toujours appréciable) et c’est reparti avec Nada Surf. Nos p’tits new-yorkais francophones, francophiles (voire même français pour certain) nous ont concocté leur p’tit rock toujours aussi sympa, efficace, joué avec une véritable délectation, voire parfois une certaine originalité (traduction anglais-français des paroles sur un des titres, reprise la plus inattendue avec « La petite Billy elle est malade » d’Alain Souchon). Sans compter leur « Popular » toujours aussi… populaire. Malheureusement je suis obligé de m’éclipser avant la fin du set pour aller voir les très attendus…

Clap Your Hands Say Yeah. Mille fois hélas, grande déception à l’arrivée, leur concert sera probablement l’un des plus ratés de ces 2 jours. L’excellence de leur premier album laissait attendre une prestation de qualité, le genre à faire saliver bien à l’avance et se précipiter au pied de la scène, haletant, gorge sèche (et sans une goutte de bave disponible). Malheureusement une orchestration pas forcément adaptée à la grandeur d’une scène plein air et la voix défaillante du chanteur (souvent inaudible, logique avec une extinction pareille) ont rendu ce concert certes pas déplaisant, mais vraiment très loin de la hauteur de l’événement.

Allez, on est prêt à leur donner une seconde chance, une autre fois, dans une salle plus intimiste, et, vif comme l’éclair, je me précipite assister à un morceau du set des Dirty Pretty Things. Leur rock posé (et poseur) agrémenté de quelques touches de vieux punk 70s est véritablement efficace, et rappelle énormément celui des Libertines. Hasard ? Non, puisqu’ils ont en commun, outre le batteur, le chanteur-guitariste Carl Barat (enfin en ce jour, surtout chanteur, la faute à une clavicule cassée), à la voix pas toujours harmonieuse, certes, mais bourrée de sincérité et au détachement très… britannique! Leur prestation est en tout cas de loin supérieure à celle, archi minable, fournie l’an dernier par l’ex-compère de Carl, le triste Pete Doherty et ses Babyshambles.

Trêve de médisance, fin des DPT et c’est parti pour les remplaçants au pied levé de Richard Ashcroft, Kasabian. Et bien les enfants, on y a peut-être gagné au change ! Bien sûr, il a une belle voix, le père Richard, mais ses prestations solos ne sont pas au niveau de sa période The Verve. Et nos braves Kasabian ont mis toute leur verve et enthousiasme pour nous délivrer un rock baggy dansant et énergique, assez proche de celui des Happy Mondays, et faisant la part belle aux titres de leur premier album, notamment leur tube LSF, digne conclusion d’un set remuant et faisant bouger irrésistiblement la foule.

Mais ceci n’est encore rien à côté de ce qui allait nous attendre. Et même s’il a fallu, pour être bien placé, rater le passage de TV on the Radio (vraiment dommage), cela en valait la chandelle ! Mesdames et messieurs, place aux Raconteurs. On attendait beaucoup de ce super-groupe fondé autour de 2 pointures du rock indé : le songwriter Brendan Benson et surtout l’incontournable Jack White, tous deux accompagnés de la section rythmique (basse + batterie) des Greenhornes (ex-première partie des White Stripes l’an dernier). Ensembles, ce quatuor de folie nous a noyé sous un véritable orage électrique (rappelant les meilleurs moment de Black Sabbath et Led Zeppelin, décidément bien présents aujourd’hui), avec harmonie de voix très complémentaires des deux compères à la complicité plus qu’évidente. Restituant à un public semi-hystérique (pris dans des vagues pogmonstrueuses) les meilleurs moment de leur excellent album (à absolument écouter), nos quatre cavaliers de l’apocalypse nous ont gratifié d’une reprise maison de Bowie ainsi qu’une version démesurée du « Bang Bang » de Nancy Sinatra. En résumé, c’est trop bon, mais c’est trop court, à revoir sur scène de toute urgence, les yeux fermés et oreilles grandes ouvertes (avec bouchons pour les tympans les plus sensibles).

Après ce déluge de feu, quoi de mieux pour s’apaiser les cages à miel qu’un petit concert de Morrissey ? Concluant cette journée sous des auspices plus pop (et également plus calme), le vieux dandy Morrissey est arrivé sur scène, distillant, avec son flegme raffiné et son humour acerbe typiquement britannique, ces mélopées entêtantes d’une voix envoûtante qui n’a pas changé depuis l’époque des Smiths. D’ailleurs, des Smiths, notre aimable gentleman a daigné nous interpréter quelques titres, parsemés au cœur de morceaux d’une production plus personnelle, avant de conclure sur un rappel en trois actes entrecoupés de narration d’anecdotes et de traits d’esprits à l’ironie féroce.


Samedi 26 août, 14h55 :

Comme tous les ans, pas de Rock en Seine sans la traditionnelle petite averse. La pluie, absente la veille, a absolument tenu à faire le déplacement pour assister à la prestation de nos amis canadiens du Broken Social Scene. Ce groupe a géométrie variable n’a pas eu les conditions les plus faciles (passer sous la flotte en premier le jour de Radiohead, c’est rude), et pourtant ils s’en sont sorti plus qu’honorablement, en assurant, à l’instar d’Arcade Fire l’an dernier, un set ultra-orchestré (ils sont entre 6 et plus d’une dizaine sur scène) où la bonne humeur est de mise. Nous avons l’impression d’avoir affaire à une bande de potes prenant plaisir à jouer ensemble des morceaux d’une grande richesse, et en profitant pour faire partager leur plaisir a des amis guest stars, tel la chanteuse Feist (déjà présente l’an dernier), ayant plus d’une fois les honneurs de la fête. En résumé, un concert vraiment trop court, mais véritablement enthousiasmant.

Un petit coup d’oreille très rapide au rock indigeste et sans grand intérêt des Taking Back Sunday, et nous voilà arrivé devant la scène où les p’tits gars de Fancy entament leur prestation. Et là, le choc : la voix du chanteur, aïgue, nasillarde et semi-hystérique est très… originale (à défaut d’être agréable à entendre). Elle est en tout cas adaptée au rock funky très orienté disco offert par ces sympathiques franciliens. Un autre coup d’œil rapide à Xavier Rudd, véritable homme orchestre dont la prestation est époustouflante, mais très vite lassante à écouter.

Direction donc vers le set de Phoenix, apparemment un des groupes les plus attendus de la journée (après Radiohead bien sûr), et à voir leur prestation, on se demande bien pourquoi. Leurs morceaux sont loin d’être mauvais, mais n’ont franchement rien d’original, et leur présence insipide manque cruellement d’intensité. Au mieux, c’est plutôt sympa, au pire… seulement sympa !

Rien à voir avec le rock énergique mâtiné de ska et agrémenté de quelques touches de reggae déployé par les Dead 60s. Enfin un groupe digne de sa réputation, interprétant les meilleurs morceaux de leur album et offrant quelques nouveautés prometteuses. Formant un tout rythmé, enthousiasment et talentueux, ce jeune groupe s’est montré digne successeur des Clash.

Dans la même veine, le set de The Rakes a été redoutablement efficace, animé par un lead-singer très démonstratif ! Aussi c’est vraiment dommage que la balance de sa voix ait été aussi mal réglée, rendant cette véritable marionnette vivante par moment complètement aphone. Tant pis, les curieux pourront se rabattre sur leur album éponyme (où hélas ne figure pas leur reprise stupéiante du « Poinçonneur des Lilas » de Gainsbourg), et profiter du magistral tour de force de ce groupe aux morceaux ultra efficace pour se faire remuer les foules (qui ne s’en sont pas privées).

Allez, on reprend son souffle en attendant le groupe tant espéré par votre bien aimé narrateur : Editors. Précédés outre-manche par une forte réputation scénique et dotés d’un album à l’énergie et la beauté glaçante digne du premier opus de Joy Division, c’est à un set impeccable et très enlevé qu’on pu assister tous ceux qui ont résisté à l’appel de Radiohead (afin de se placer à moins de 100 mètres de la scène principale). Et si on pouvait s’attendre à un concert plutôt calme, c’est une estocade frénétique qui a secoué les premiers rangs, pogotant furieusement sur la rythmique endiablée de ce groupe distillant savamment bonheur et souffrance dans une transe quasi épileptique.

Hélas les meilleures choses ont une fin, et à peine les dernières notes évacuées, il a fallu piquer un sprint pour rejoindre la grand messe de la soirée, l’événement de ce week-end (voire pour certains de ces 3 dernières années) : l’unique date française de Radiohead. La tête (et quelle tête) d’affiche était plus qu’attendue (inespérée même), et elle a su répondre à cette attente avec un brio et un charisme aujourd’hui inégalés. L’alternance de morceaux anciens et d’extraits d’œuvres plus récentes, des riffs électriques démoniaques à la froideur des beats électroniques, le chant angoissé et angoissant de l’inquiétant et fascinant Thom Yorke, l’alchimie d’un groupe semblant très loin de se disloquer, le décalage des sons et lumières imposants et intemporels dans ce lieux respirant l’histoire : tous les ingrédients étaient présents pour rendre ce concert grandiose. Et grandiose, il l’a été, depuis les premières notes jusqu’au Karma Police final, repris en cœur par des milliers de fans au bord de l’extase . Radiohead, groupe culte ? La réponse semble évidente !

 

  ZeRipper